A - Les assurances obligatoires en matière décennale.
a. - Textes spécifiques dérogatoires au droit commun.
Une part importante de l’assurance construction, l’assurance des dommages de nature décennale, est régie depuis le 1er janvier 1979 — date d’application de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978, dite loi Spinetta, du nom de celui qui en assume la paternité (D. 1978.74) — par des règles spécifiques, souvent dérogatoires au droit commun, issues de textes législatifs et réglementaires d’ordre public intégrés au fur et à mesure de leur parution dans le code des assurances.
Il convient de rappeler que la loi Spinetta traite préalablement, dans son titre I, de la responsabilité. Elle crée une présomption de responsabilité pesant sur tout constructeur envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage pour des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. (C.civ. art.1792). Cette responsabilité s’étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un bâtiment, lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert (C. civ. 1792-2). Elle s’applique, sous certaines conditions, pour une durée de dix ans à compter de la réception des travaux (C. civ. art., 2270).
b. - Obligations d'assurances.
Contrairement à l’assurance des différents risques et responsabilités de droit commun pouvant découler de l’acte de construire qui est toujours légalement facultative — hormis le cas particulier de l’architecte soumis depuis 1940 à une obligation d’assurance pour l’ensemble des responsabilités pouvant lui incomber du fait de l’exercice de son activité professionnelle — les assurances de chose (C. assur. L 242-1 et 242-2) et de responsabilité (C. assur. L 241-1 et 241-2) relatives aux dommages de nature décennale sont obligatoires en matière de travaux de construction, à l’exception de ceux réalisés sur des ouvrages exclus par l’article L. 243-1-1 du C. assur. (Que ces travaux correspondent à la réalisation d’un ouvrage globalement neuf ou soient effectués sur un immeuble existant, sachant que ce dernier ne rentre dans le champ d’application de l’assurance construction que sous certaines conditions).
Le législateur de 1978 impose un nouveau système d’assurance, en partie modifié par l’ordonnance du 8 juin 2005, afin de répondre aux lacunes d’un régime antérieur qui était essentiellement facultatif. Le système obligatoire, dit à double détente, repose sur le binôme suivant : l’assurance dommages ouvrage (C. assur. L 242-1 et L 242-2) et l’assurance de responsabilité (C. assur. L 241-1 et L 241-2). Dans un premier temps, l’assurance dommages-ouvrage est souscrite par le maître de l’ouvrage au bénéfice des propriétaires successifs. Elle doit préfinancer la réparation du dommage avant toute recherche des responsabilités, dans un délai rapide. Dans un second temps, l’assureur de chose exerce son recours contre les responsables des dommages subis par l’ouvrage et leurs assureurs de responsabilité qui doivent, en principe, assumer la charge définitive du sinistre. Ces différentes garanties peuvent faire l’objet de polices distinctes ou être regroupées au sein d’une seule police, dite Police Unique par Chantier (PUC), souscrite au profit de tous pour un chantier donné. Cependant, à partir des années 2000 et plus particulièrement après les catastrophes naturelles et les attentats survenus au tout début de cette décennie, la pratique de cette forme d’assurance s’est considérablement réduite du fait de la position de repli adoptée – sans justification technique réelle dans le domaine de la construction – par certaines sociétés d’assurance dans le cadre d’un marché de l’assurance rétréci, perturbé et crispé. Il est toutefois vraisemblable que les qualités indéniables de cette formule d’assurance, la forte demande exprimée par les maîtres d’ouvrage français et la parfaite adaptabilité de ce produit au besoin de protection se manifestant de plus en plus clairement dans ce domaine en Europe, convaincront les assureurs à réviser leur position.
Tant en assurance de chose qu’en assurance de responsabilité, les garanties doivent être au moins équivalentes à celles prévues par des clauses types mises au point par le pouvoir réglementaire (C. assur., art. L. 243-8 et A. 243-1). Ces clauses types (figurant aux ann. 1 et 2 à l’art. A. 243-1 c. assur.) précisent en détail les modalités d’expertise et de règlement du sinistre au profit de la victime.
c. - Exonérations.
Parmi les exceptions à l’obligation d’assurance figurent l’État, les autres personnes de droit public, ainsi que les personnes morales de droit privé lorsqu’elles exercent une activité dont l’importance dépasse les seuils mentionnés à l’article 111-6 et prévus à l’article R. 111-1 du code des assurances (est considérée comme couvrant un grand risque pour l’application de l’article L. 111-6 si le souscripteur remplit au moins deux des trois conditions suivantes : 1° le total de son dernier bilan est supérieur à 6.2 millions d’Euros ; 2° le montant de son chiffre d’affaires du dernier exercice est supérieur à 12.8 millions d’€uros ; 3° le nombre de personnes qu’il a employées en moyenne au cours du dernier exercice est supérieur à 250).
Mais il faut toutefois préciser que si l’État est exonéré d’obligation d’assurance de chose et de responsabilité depuis l’entrée en vigueur de la loi, à la seule condition qu’il construise pour son propre compte (C. assur., art. L. 243-1), les deux autres catégories de personnes exonérées ne bénéficient d’une exonération que depuis le 1er juillet 1990, date d’application de la loi n°89-1014 du 31 décembre 1989 (D. 1990.60), seulement en ce qui concerne l’assurance de dommages et à la condition de faire réaliser pour leur compte des travaux de bâtiment pour un usage autre que l’habitation (C. assur., art. L. 242-1 , al. 2). Il convient cependant de souligner que la portée de l’exonération prévue par la loi de 1989 se trouve très réduite pour les personnes de droit public autres que l’Etat. En effet, en ce qui concerne les bâtiments partiellement affectés à l’habitation, une circulaire des ministères de l’Equipement, de l’Economie et des Finances, et de l’Intérieur du 11 juillet 1990 précise que ceux-ci doivent être couverts par l’assurance de dommages.
d. - Contrôle.
Parallèlement, les pouvoirs publics ont pris des mesures afin de permettre un contrôle du respect de la légalité. Il est, en premier, lieu prévu que les personnes soumises aux obligations d’assurance de dommages et de responsabilité doivent être, d’une façon générale, en mesure de justifier qu’elles ont satisfait à ces obligations (C. assur., art. L. 243-2, al. 1er). Il est prévu, en outre, que les justificatifs de la souscription des assurances obligatoires doivent être apportés, lors de la déclaration d’ouverture de chantier, à l’autorité compétente pour recevoir cette déclaration (C. assur., art. R 243-2 édicté par Décr. n° 78-1093 du 17 nov. 1978, D. 1978.430, à ne pas confondre avec l’arrêté de la même date).
Il est également imposé aux rédacteurs d’actes de mentionner l’existence ou l’absence d’assurance dans le corps — ou en annexe — des actes intervenant avant l’expiration du délai de dix ans suivant une réception et ayant pour effet de transférer la propriété ou la jouissance d’un bien — à l’exception des baux à loyer — (C. assur., art. L. 243-2, al. 2).
Enfin le législateur a instauré des dispositions spécifiques dans le domaine particulier de la construction individuelle isolée (L. n° 90-1129 du 19 déc. 1990 relative au contrat de construction d’une maison individuelle, D. 1990.23, rect. 485). D’une part les contrats de construction, avec ou sans fourniture de plans, doivent comporter la référence de l’assurance de dommages souscrite par le maître de l’ouvrage; d’autre part le contrat avec fourniture de plans peut être conclu sous la condition suspensive d’obtention de l’assurance de dommages.
e. - Sanctions.
En dehors des conséquences civiles au cas où la non-souscription entraînerait un préjudice, le législateur a prévu une sanction tout à fait dissuasive: un emprisonnement de six mois et/ou une amende de 75 000 € (C. assur., art. L. 243-3), mais d’application limitée, à la fois quant aux personnes passibles de la sanction (la personne physique construisant un logement pour l’occuper elle-même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, bien qu’assujettie aux obligations d’assurances ne peut être sanctionnée pénalement en cas de non-respect) et quant à sa possibilité d’application dans le temps ( le non-respect des obligations d’assurances est une infraction instantanée prescrite par trois ans).
f. - Obligation d'assurer.
Réciproquement, le législateur impose aux assureurs d’assurer. Cette mesure, apparemment évidente et relativement anodine, a une portée tout à fait considérable dans le domaine de la construction, en particulier en matière de développement de l’innovation. L’assureur — dont les statuts n’interdisent pas la prise en charge du risque en cause en raison de sa nature (C. assur. Art. L.243-4) — ne peut plus refuser d’assurer un risque soumis à l’obligation d’assurance, même si ce risque n’entre pas dans ses critères d’acceptation traditionnels, sauf, bien sûr, si la réalisation de l’événement envisagé et le délai dans lequel il surviendra sont certains. L’assureur ne peut pas davantage refuser d’assurer au cas où la demande de l’assuré est postérieure à la déclaration d’ouverture de chantier ou, par extrapolation, à la réception de l’ouvrage, dès lors que le seul fait de l’engagement des travaux ne rend pas certaine la survenance d’un dommage ni impossible l’évaluation de l’aléa.
Il ne peut pas enfin ne pas répondre à une demande d’assurance ou proposer un tarif exorbitant par rapport au risque tel que l’assuré ne puisse pas satisfaire à son obligation d’assurance. Il s’agirait en effet dans ces deux cas, de la part de l’assureur, d’une attitude assimilable à un refus d’assurer qui autoriserait l’assuré à saisir le Bureau central de tarification (le délai de non réponse d’un assureur à partir duquel un assuré est autorisé à saisir le BCT est de 45 jours, C. assur., art. R. 250-2).
B. - L'assurance des responsabilités de droit commun.
a. - Présentation des formules de contrat.
– Polices individuelles d’activité et polices collectives par chantier.
Les assurances couvrant la responsabilité civile de droit commun sont le plus couramment souscrites individuellement et, pour l’ensemble de son activité, par chaque intervenant à l’acte de construire. Il s’agit de polices individuelles d’activité (dites encore d’abonnement ou ouvertes) tacitement reconductibles d’année en année.
– Polices de responsabilité de droit commun et polices globales couvrant les diverses responsabilités.
L’assurance des responsabilités de droit commun et décennales par des contrats séparés provient du fait que la majorité des assureurs, sans réelle justification technique, ont le plus souvent appréhendé de façon différente et dans le cadre de services distincts, l’assurance de chacune de ces responsabilités. On constate toutefois depuis quelques années déjà une très nette évolution et un regroupement de plus en plus courant des garanties des responsabilités de droit commun avec celles de la responsabilité décennale. C’était déjà, depuis fort longtemps, le cas pour l’architecte, notamment du fait de l’obligation d’assurance pesant sur lui pour l’ensemble de ses responsabilités professionnelles. C’est désormais également le cas, de plus en plus fréquemment, pour les autres catégories de maîtres d’œuvre, les fabricants de matériaux de construction, et même les entrepreneurs. Ce groupement des garanties des différentes natures de responsabilités n’est en revanche que très rarement pratiqué en ce qui concerne les promoteurs et maîtres d’ouvrage. Ceux-ci s’assurent, en effet, le plus souvent ponctuellement par opération, pour les responsabilités décennales, soit par un contrat souscrit en parallèle à la police » dommages-ouvrage » et auprès du même assureur (police dite des constructeurs non réalisateurs, CNR), soit par une garantie intégrée dans une police unique par chantier (police dite PUC regroupant les assurances obligatoires : assurance » dommages-ouvrage » et assurance de responsabilité décennale de l’ensemble des intervenants, et comportant éventuellement des garanties facultatives accessoires et/ou complémentaires).
Le regroupement des garanties de l’ensemble des responsabilités, y compris décennale, dans un seul contrat d’assurance, présente l’avantage évident de l’interlocuteur unique et de la simplicité. Il permet par ailleurs d’éviter plus facilement les insuffisances de garanties ou, à l’inverse, les superpositions entre contrats. La globalisation des garanties permet également d’éviter à l’assuré d’avoir à déclarer un même sinistre au titre de deux contrats d’assurance. Une double déclaration est en effet souvent nécessaire, soit parce qu’un même dommage peut entraîner des responsabilités de nature différente, soit parce que l’on ne peut pas déterminer, lors de la survenance du sinistre, la nature de la responsabilité pouvant en découler. Ainsi, la globalisation des garanties en un seul contrat permet d’éviter les discussions et rejets de garantie d’assureur à assureur en cas de pluralité de contrats et d’assureurs. L’assuré peut en outre obtenir par la souscription de ces formules globalisées de contrat et l’effet de masse qui en découle, une meilleure qualité de garantie pour un moindre coût.
– Polices traditionnelles et polices » tout sauf ».
Les contrats d’assurance de responsabilités de droit commun, dont l’objet principal est de couvrir les responsabilités de l’assuré, du fait de l’exercice de son activité, peuvent être rédigés selon une forme traditionnelle, la plus couramment proposée par les sociétés d’assurance. Le contrat est alors subdivisé en deux grands volets, l’un concernant la responsabilité dite « exploitation », correspondant habituellement à la responsabilité que peut encourir n’importe quel professionnel du fait des moyens nécessaires à l’exercice d’une activité en général (locaux, biens, salariés…), l’autre concernant la responsabilité » travaux et/ou professionnelle » directement liée à l’activité spécifiquement exercée par l’assuré qu’il s’agisse d’études ou de travaux. Ce deuxième volet est lui-même subdivisé en deux, selon que la réclamation de la victime intervient avant ou après la réception de l’ouvrage. Le tronçonnage de la garantie se poursuit dans ce cadre par un découpage en une multitude de postes de garanties, par type d’événement pouvant engendrer la responsabilité de l’assuré.
Mais il est parfaitement possible, et c’est de plus en plus fréquemment le cas dans le domaine de l’assurance construction, d’avoir recours à des polices de responsabilités de droit commun rédigées sous forme » tout sauf « . Ces polices sont en général mises initialement au point par les assurés eux-mêmes assistés de leur conseil, et acceptées ou même adoptées ultérieurement par les sociétés d’assurance. Cette deuxième formule de contrat d’assurance ne comporte qu’un objet global de garantie : l’ensemble des responsabilités de l’assuré du fait de l’ensemble de ses activités, qui n’est limité que par des exclusions. De ce fait, tout est en principe garanti, à la seule exception de ce qui est précisément exclu. C’est, bien entendu, dans ces conditions, à l’assureur de rapporter la preuve que l’exclusion peut jouer, alors que dans le cadre de la formule traditionnelle, c’est à l’assuré de démontrer préalablement que la réclamation entre bien dans le champ d’application des garanties du contrat.
b. - Extensions de garanties possibles.
Le contrat d’assurance de responsabilité de droit commun, qui comporte souvent une garantie défense-recours et quelquefois une assistance juridique débordant le cadre des garanties accordées par le contrat, peut être également étendu pour certains intervenants (en particulier les promoteurs et maîtres d’ouvrage) à la garantie de risques annexes tels que les conséquences financières de retard de livraison, de recours à l’encontre de permis de construire, de vice imprévisible de sol ou de non conformité à la réglementation de la construction. Ces dernières extensions restent néanmoins aujourd’hui exceptionnelles.
c. - Délimitations de la garantie.
Quelle que soit la formule de contrat adoptée, l’objet de la garantie se trouve toujours, comme d’ailleurs dans tout contrat d’assurance, délimité en nature et en montant, dans l’espace et dans le temps (à l’exception toutefois de certains contrats dont les modalités de garantie sont imposées par la loi).
- Délimitations en montant
– Plafonds de garantie.La délimitation en montant est matérialisée par des plafonds de garantie, pour chaque sinistre et/ou pour l’ensemble des sinistres pouvant survenir la même année, au-delà desquels l’assureur n’est plus engagé. Ces plafonds de garantie sont le plus souvent différents selon les postes de garantie accordés au sein d’un même contrat, et selon l’époque – pendant ou après les travaux – de survenance du sinistre.
– Franchise ou découvert obligatoire.
En second lieu et à l’opposé, la limitation de l’indemnité est effectuée par l’application de franchises qui correspondent à la part du sinistre, du premier euro jusqu’au seuil de franchise ou de découvert obligatoire adopté, qui reste à la charge de l’assuré. Les franchises sont toujours pratiquées dans ce type de contrat, mais exclusivement en matière de dommages matériels et immatériels.
- Délimitation dans le temps
Enfin, l’engagement de l’assureur est limité dans le temps, le contrat d’assurance ayant en principe un point de départ, sa prise d’effet, et un point final, sa résiliation.
– Prise d’effet et reprise du passé
L’assureur peut en effet n’être engagé que pour les réclamations intervenues pendant la période de validité de la police ; c’est le cas le plus courant et on dit alors que le contrat fonctionne en « base réclamation ».
Dans ce cas, l’article L.124-5 du code des assurances, inséré par la loi du 1er août 2003, impose que la police comporte une clause dite de « reprise de passé » : l’assureur étant alors tenu de prendre en charge les réclamations survenant postérieurement à la prise d’effet du contrat même si elles proviennent de faits générateurs antérieurs. Cette garantie est, bien entendu, subordonnée à l’ignorance, par l’assuré, au moment de la souscription du contrat, « d’événements susceptibles » d’engendrer une réclamation – cette formulation, particulièrement floue, étant dangereuse pour l’assuré – ou de réclamation formelle.
– Cessation des effets du contrat et maintien des garanties après résiliation
Maintien contractuel de garanties : Garantie subséquente.
Il est par ailleurs contractuellement convenu que ces contrats – qui sont gérés par la technique de répartition qui consiste à régler un sinistre déclaré une année avec la prime correspondant à l’année de déclaration de sinistre — se renouvellent d’année en année, par tacite reconduction, sauf résiliation par l’une ou l’autre des parties, notamment à l’échéance.
Dans ce cadre, l’engagement de l’assureur cesse en principe à la date de résiliation. L’assureur est néanmoins tenu, du fait de ce même article L.124-5, de délivrer gratuitement une garantie subséquente dont la durée a été fixée à 10 ans pour les constructeurs par un décret du 26 novembre 2004, harmonisant alors sur ce point les fonctionnements des garanties obligatoires et facultatives. Ce maintien de garantie après la résiliation est accordé à l’assuré lorsqu’il ne re-souscrit pas de contrat fonctionnant sur cette même base réclamation auprès d’un nouvel assureur.
C. - Les assurances de chose traditionnelles
a. - Présentation générale
Une fois terminé et réceptionné, l’ouvrage en cours d’exploitation dont le risque et la garde ont été transférés au propriétaire, est garanti par l’assurance multirisques. Cette assurance regroupe, sous forme d’assurance de chose en un même contrat, la garantie de multiples événements pouvant être subis par l’ouvrage : incendie, explosion, dégâts causés par les eaux, vol, bris de glaces, tempête, catastrophes naturelles, attentat, vandalisme… La « police multirisques » comporte, en outre, la garantie des responsabilités pouvant incomber au propriétaire de l’immeuble à la suite de dommages causés, aux tiers, aux voisins et aux occupants.
Mais, en application de son marché et de l’article 1788 du code civil, en cours de construction et jusqu’à la réception ou la mise en demeure de réceptionner un ouvrage terminé, c’est l’entrepreneur qui a fourni les matériaux qui, bien qu’il ne soit pas propriétaire du bien, répond de tout dommage à l’ouvrage qu’il est en train de réaliser et ce, quelle qu’en soit la cause. L’entrepreneur se trouve donc, pendant cette période, dans la position très inconfortable d’un garant devant faire face à l’ensemble des événements pouvant endommager l’ouvrage, les matériaux et matériels. Or, les polices traditionnelles de responsabilité ne couvrent que les dommages que l’entrepreneur peut causer aux tiers non ceux qu’il garantit.
C’est la raison pour laquelle – en dehors d’extensions possibles des polices de responsabilité à des garanties délivrées, sous forme d’assurance de chose, pour couvrir les dommages subis par les travaux de l’entreprise avant réception, en particulier à la suite d’incendie, d’explosion et dégât des eaux – il est d’usage de mettre en œuvre des polices d’assurance de chose, ponctuellement adaptées à l’opération concernée pour protéger le bien en cours de construction.
Ces contrats sont, le plus souvent, souscrits par les promoteurs ou les maîtres d’ouvrage.Ceci leur permet d’avoir la certitude de la garantie et leur donne la maîtrise de la qualité de l’assurance et donc de la protection de leur bien, quelle que soit la solvabilité de l’entrepreneur garant.
Mais, dans cette hypothèse, il est souhaitable que la garantie soit souscrite au profit de l’ensemble des intervenants. Un recours de l’assureur contre l’entrepreneur, ou contre un autre intervenant responsable, après règlement du sinistre au maître de l’ouvrage, peut, en effet, entraîner conséquences financières souvent dramatiques, notamment à la suite d’une cessation d’activité du garant insolvable en cour de construction.
En fait il s’agit, d’une part de garantir le bien et d’autre part d’éviter la défaillance d’un entrepreneur avant réception ; ou plus simplement encore, de solvabiliser les garants jusqu’à la réception.
Les deux polices d’assurance qui peuvent répondre, de façon alternative, à l’objectif de protection du bien en cours de construction, sont la » police Multirisques « , limitée à certains événements en cours de construction et la » police Tous Risques Chantier « .
Contrairement à la première, la seconde est le plus fréquemment souscrite par les promoteurs ou du maître d’ouvrage au profit de l’ensemble des intervenants, et ce avec ou sans recours contre les éventuelles polices personnelles de chacun. Mais cette formule de garantie avec recours, même limitée aux garanties individuelles bénéficiant aux intervenants et même en cas d’engagement expresse et précis de préfinancement de la part de l’assureur de chantier, risque fort de faire perdre aux assurés et en particulier au Maître d’ouvrage, l’intérêt de la souscription d’une assurance de chose résidant dans la rapidité d’indemnisation essentielle en période de construction, l’assureur Tous Risques Chantier cherchant avant tout, dans cette hypothèse, à préserver les preuves qui favoriseront l’exercice de son recours après indemnisation.
b. - " Polices Multirisques " avant réception.
– Prise d’effet, nature, et étendue de la garantie.
Il est souhaitable de mettre en œuvre la » police multirisques » dès le début du chantier pour couvrir les risques d’incendie, d’explosion, d’attentat, de vandalisme… en prévoyant, à compter du hors d’eau, l’extension automatique aux risques de dommages causés par les eaux. Cette police garantit les événements limitativement énumérés au contrat, à concurrence de la valeur à neuf de reconstruction de l’ouvrage au jour du sinistre et sans franchise. Mais elle ne peut couvrir la totalité des risques pouvant survenir en cours de construction et n’a, par ailleurs, pas pour but de répondre au besoin de solvabilité des entrepreneurs avant réception.
– Cessation de la garantie.
Les garanties cessent, en principe, au jour de la réception – ou de la première occupation si celle-ci est antérieure – opérant le transfert de risque. Mais il est fréquent que ce type de contrat soit transmis au propriétaire, nouveau gardien de l’ouvrage, et transformé simultanément en » police multirisques » complète.
– Modalités spécifiques aux propriétaires de patrimoines importants.
Les maîtres d’ouvrage importants qui conservent leur patrimoine utilisent d’ailleurs assez souvent une formule de contrat d’assurance couvrant d’une part globalement l’ensemble du patrimoine en cours de construction, et d’autre part globalement le patrimoine en exploitation. Ce contrat fonctionne automatiquement sans déclaration en cours d’année. Une seule opération annuelle permet de régulariser la situation sur la base de la déclaration des superficies assurées.
En dehors d’une évidente simplification de la gestion, ce système d’assurance se justifie pleinement par un souci de sécurité – pour éviter des omissions de déclarations de risques nouveaux en cours d’année et obtenir de l’assureur une marge de tolérance plus importante en cas d’erreur en matière de déclaration d’éléments du risque (superficie, par ex.) – de qualité de garantie et d’économie compte tenu de la globalisation des garanties.
– Cas particulier des appartements témoins et bureaux de vente.
Hormis les garanties protégeant l’ouvrage en cours de construction, des polices de type multirisques – correspondant davantage aux » polices multirisques » après réception – sont couramment souscrites pour les maisons ou appartements témoins ou les bureaux de vente. Les garanties peuvent porter alors tant sur le contenant que sur le contenu.
c.- Police " Tous Risques Chantier" (TRC)
-Garanties de base.
1 – Souscripteur et assurés.
Contrairement à la » police multirisques » avant réception, la police » Tous Risques Chantier » est le plus fréquemment souscrite par les promoteurs ou maîtres d’ouvrage au profit de l’ensemble des intervenants, et ce avec ou sans recours contre les éventuelles polices personnelles de chacun.
2 – Formulation et étendue des garanties.
a -1- Étendue des garanties en nature.
Garanties classiques. – Les garanties sont accordées selon la formule « tout sauf », seules les exclusions venant, en conséquence, restreindre la portée des garanties. Mais si toutes sortes d’événements pouvant endommager l’ouvrage – incendie, explosions, dégâts des eaux, effondrement, événement catastrophique et naturel, attentat, vandalisme, défaut de conception, d’exécution, manœuvre malencontreuse ou chute d’engin de chantier, vol… – peuvent être garantis au titre de ce contrat, encore faut-il le plus souvent que cet événement soit un événement accidentel et donc soudain, brutal, qui cause un désordre matériel à la construction. L’événement progressif ou répétitif, ainsi que le défaut de construction ou la non-conformité n’entraînant aucune dégradation matérielle ne sera, en principe, habituellement pas pris en compte.
a-2-Extension de garantie possible.
Il est pourtant possible depuis peu d’étendre, mais au seul profit des maîtres d’ouvrage et surtout des maîtres d’œuvre, la garantie de base classique de la » Tous Risques Chantier « , aux erreurs n’entraînant pas de désordre matériel, garantie dite » erreur sans désordre « . À titre d’exemple: rampe de parking ne permettant pas à un véhicule d’un gabarit moyen d’accéder au sous-sol, trémie d’un escalier d’un appartement en duplex trop étroite pour permettre le passage des meubles nécessaires à l’aménagement de l’étage supérieur, immeuble devant comporter des commerces en rez-de-chaussée de plain-pied et nécessitant après achèvement, du fait d’un décalage entre l’immeuble et la voirie l’exécution de deux marches.
b –Étendue des garanties quant aux biens à couvrir.
Les garanties, très étendues en nature, de cette police peuvent, en outre, porter tant sur l’ouvrage lui même que sur les installations provisoires de chantier, baraquements, végétation, ainsi que sur les dommages pouvant être occasionnés par les travaux neufs à l’ouvrage préexistant sur, sous, ou dans lequel on exécute les travaux ou encore aux biens mobiliers dits » objets confiés » contenus dans l’ouvrage existant. La garantie de la « Tous Risques Chantier » est d’ailleurs particulièrement bien adaptée aux risques de travaux sur existants puisqu’elle permet à la fois une globalisation des différentes parties d’ouvrage et des différents intervenants. Elle intervient de plus pendant la période la plus dangereuse pour cette nature d’opération : la période de construction et les quelques mois qui suivent la réception.
c- Étendue des garanties en montant.
c-1- Plafonds de garanties.
Le montant de la garantie est un montant forfaitaire épuisable » au premier risque « ,en général équivalent au montant des travaux et honoraires techniques. Mais il peut parfaitement être prévu pour une valeur inférieure, l’indemnisation du sinistre étant alors seulement limitée au montant maximum fixé et ce, sans application de règle proportionnelle d’aucune sorte.
c-2-Franchises.
La » police Tous Risques Chantier » comporte toujours des franchises dont le montant est variable en fonction des capacités financières et donc d' » auto-assurance » des intervenants ; l’assureur pré finançant ou non la franchise au profit du maître de l’ouvrage avec recours contre les responsables ou garants. Il peut d’ailleurs être prévu au marché que ces franchises seront supportées par le ou les responsables du dommage et, en l’absence de responsable, réparties proportionnellement à la valeur des lots concernés par le sinistre ou attribuées au compte au prorata de l’opération.
3 – Prise d’effet et expiration de la garantie.
a- Principe.
La garantie peut prendre effet dès l’ouverture du chantier ou encore à la date de déchargement des matériaux, et s’il y a lieu, au premier jour des travaux de démolition. Elle expire au jour de la réception ou de la prise de possession, si celle-ci est antérieure. Mais une date butoir prévisionnelle de fin de garantie, correspondant à la date prévisionnelle de réception, est toujours fixée dès la prise d’effet des garanties.
b- Dérogations.
- Prorogation de garantie.
En cas de retard par rapport au planning du chantier, la poursuite de la garantie au-delà de la date initialement prévue doit faire l’objet d’une demande expresse de prorogation de garantie entraînant en général une surprime souvent calculée prorata temporis. Les interruptions de chantier doivent, par ailleurs, être signalées à l’assureur au-delà d’un nombre de jours variable selon les contrats et ce afin que l’assureur puisse contrôler que les mesures nécessaires à la protection des biens garantis pendant l’interruption sont convenablement mises en œuvre.
- Garantie de maintenance.
La garantie de base en cours de construction est très couramment étendue dans le temps par le biais d’une garantie dite de maintenance. La maintenance est, le plus souvent, d’une ou de deux années après la réception. Elle peut être de bien plus longue durée, en particulier pour les opérations réalisées à l’étranger où la » Tous Risques Chantier » peut alors seule, tant en nature de garanties qu’en durée, répondre à la garantie contractuelle exigée au titre d’un marché. En période de maintenance – et hormis, pour le maître de l’ouvrage, les dommages d’incendie, de foudre, d’explosion et de dégât des eaux qui doivent faire l’objet de la souscription d’un contrat multirisques – il est possible de garantir l’ensemble des dommages pouvant être occasionnés par les entrepreneurs qui reviennent sur le site après réception pour exécuter des travaux de parachèvement ou de levée de réserves : » maintenance-visite » ; et même les dommages qui surviendraient pendant la maintenance, mais dont l’origine se situerait avant la réception de l’ouvrage : » maintenance étendue « .
4 – Extensions de garantie.
a. Responsabilité civile des intervenants. Avantage, précaution et inconvénient.
La » Tous Risques Chantier » peut faire l’objet d’extensions de garanties diverses. La plus courante est certainement celle qui concerne la responsabilité civile de droit commun des intervenants. Cette formule a l’avantage de permettre un pLa » Tous Risques Chantier » peut faire l’objet d’extensions de garanties diverses. La plus courante est certainement celle qui concerne la responsabilité civile de droit commun des intervenants. Cette formule a l’avantage de permettre un pLa » Tous Risques Chantier » peut faire l’objet d’extensions de garanties diverses. La plus courante est certainement celle qui concerne la responsabilité civile de droit commun des intervenants. Cette formule a l’avantage de permettre un pLa » Tous Risques Chantier » peut faire l’objet d’extensions de garanties diverses. La plus courante est certainement celle qui concerne la responsabilité civile de droit commun des intervenants. Cette formule a l’avantage de permettre un préfinancement rapide du sinistre pendant la construction. Mais elle doit, bien sûr, être relayée dans le temps, après réception, par les polices personnelles de chacun, pour faire face à la durée potentielle des responsabilités de droit commun. Il faut également remarquer, à propos de cette extension, qu’elle modifie partiellement la nature de l’assurance » Tous Risques Chantier » qui devient une assurance mixte de chose et de responsabilité, faisant appel à des conceptions et des techniques différentes d’assurance. Cette hybridation donne souvent un résultat défavorable quant à la qualité des garanties de responsabilité, en particulier en ce qui concerne la responsabilité professionnelle et les dommages immatériels purs. De ce fait, il est plutôt conseillé d’avoir recours à des contrats d’assurance distincts pour les garanties » Tous Risques Chantier » et » Responsabilité Civile « . Il suffit alors de souscrire ces deux garanties pour le cours de la construction, auprès de la même société d’assurance, pour éviter autant que possible les problèmes de frontière, d’absence, d’insuffisance ou de superpositions de garanties et de primes.
b. Dommages immatériels et pertes financières consécutives.
La » Tous Risques Chantier » peut, en outre, être étendue aux pertes financières, quelquefois fort lourdes, consécutives à un sinistre. L’arrêt du chantier, lors d’un sinistre, et le temps nécessaire à la réparation des dommages, engendre inéluctablement des retards qui peuvent eux-mêmes entraîner l’application d’agios financiers, de pénalités contractuelles, pertes de loyer, frais de relogement, frais de reconstitution de stock, frais publicitaires de campagne d’ouverture, perte de chiffre d’affaires… Malgré son utilité évidente, cette extension de garantie est encore à l’heure actuelle peu pratiquée, les assureurs étant très réticents à l’accorder.